LE DEFICIT EN PYRUVATE KINASE CHEZ LE CHAT (PKDef)
L’été 2013 a été celui d’une révélation dans le monde du chat de race : le déficit en pyruvate kinase ne concerne plus seulement les abyssins et somalis, mais plusieurs autres races de chats, incluant le mau égyptien.
1. Déterminisme génétique du déficit en pyruvate kinase
Le déficit en pyruvate kinase (PKDef) est une maladie à transmission autosomale récessive, ce qui signifie que la maladie n’est pas liée au sexe de l’individu, et que pour être atteint, le chat doit avoir hérité du gène muté à la fois de sa mère et de son père (porteur homozygote). Un chat porteur hétérozygote dispose du gène normal et ne tombera pas malade.
La mutation responsable de la maladie concerne le gène PK qui code pour la pyruvate kinase, une enzyme impliquée dans le métabolisme énergétique de l’hématie. En effet, les hématies des mammifères tirent leur énergie de la glycolyse anaérobie, dont la pyruvate kinase est une enzyme clé. Dans le globule rouge, l’insuffisance de production énergétique retentit directement sur les fonctions membranaires (modification des échanges ioniques, perte de lipides, diminution de la déformabilité) et favorise la séquestration des hématies dans la rate. La durée de vie normale d’une hématie est de 66 à 79 jours chez le chat, elle est diminuée chez les chats atteints de déficit en pyruvate kinase. En cas d’hémolyse massive, il faut 3 à 4 jours à la moelle osseuse pour réagir et produire de nouveaux globules rouges en quantités adéquates. L’équilibre entre destruction et production des globules rouges est donc précaire chez les chats atteints de PKDef.
L’étude de Grahn et al. (2012) a mis en évidence chez le Mau Egyptien un taux de chats porteurs sains de 13 % et aucun chat atteint, mais l’échantillon n’était que de 36 chats. En France, les premiers tests ADN effectués ont déjà mis en évidence des chats porteurs hétérozygotes et homozygotes (donc atteints) parmi les maus. Les laboratoires Idexx et Genindexe proposent le test génétique (sur sang pour Idexx, sur sang ou cellules buccales pour Genindexe), qui est le même quelque soit la race du chat (abyssin, somali ou autre). Les autres races concernées sont les bengals, savannahs, singapuras, maine coons, norvégiens, sibériens et laperms ; les chats de gouttières peuvent également être affectés. La PKDef est également connue chez l’homme et plusieurs races de chiens.
2. Symptômes et pronostic
La maladie est caractérisée par une anémie hémolytique régénérative. Les globules rouges sont détruits, mais la moelle osseuse continue d’en produire. Les symptômes apparaissent lorsque l’équilibre précaire entre l’hémolyse et l’érythropoïèse est rompu. Cette anémie hémolytique chronique évolue par crises intermittentes. L’âge d’apparition des symptômes est variable, de quelques mois à un âge avancé (dans une étude britannique, de 1 an à 7 ans, avec une moyenne de 4,5 ans.) Au cours des crises, l’intensité de l’anémie peut être faible à modérée. Elle peut être associée à une splénomégalie. Les symptômes en résultant peuvent inclure léthargie, diarrhée, muqueuses pâles, baisse d’appétit, poil terne, perte de poids, ictère.
L’évolution dépend de la sévérité du déficit et de la fréquence des crises hémolytiques. La splénectomie améliore l’état de santé de certains chats malades et diminue la gravité des crises.
3. Conduite à tenir en élevage
Si tous les éleveurs de Mau jouent le jeu, il est facile d’éradiquer le déficit en pyruvate kinase dans la race. Le statut génétique de tout reproducteur devra être connu.
N étant l’allèle normal du gène PK, et k étant l’allèle défectueux, un chat dont les 2 parents sont N/N n’aura pas besoin d’être testé car il est forcément N/N.
Un chat N/k (porteur hétérozygote) devra soit être placé en compagnie, soit marié à un chat N/N, mais il faudra alors tester les chatons issus de ce mariage si on envisage de les faire reproduire. Il ne faut pas s’empresser d’écarter de la reproduction tous les chats N/k, car on réduirait un pool génétique qui n’est déjà pas bien large chez le mau. Il suffit de s’astreindre à tester tous ses descendants susceptibles de se reproduire, car statistiquement 50 % des chatons seront porteurs du gène k, comme l’illustre ce tableau où les allèles transmis par le parent N/k sont figurés en rouge et ceux transmis par le parent N/N sont figurés en bleu :
N | N | |
N | N/N | N/N |
k | N/k | N/k |
Les chats k/k ne doivent pas être utilisés pour la reproduction, sauf éventuellement dans le cas d’un mâle à forte valeur génétique. On devra alors le marier à une chatte N/N. Les chatons issus de ce mariage seront tous N/k, il faudra sélectionner les meilleurs pour la reproduction. Une chatte k/k ne doit pas être utilisée pour la reproduction en raison des complications prévisibles (anémie lors de la gestation et de la mise-bas).
N | N | |
k | N/k | N/k |
k | N/k | N/k |
Pour résumer les mariages interdits sont : N/k x N/k, N/k x k/k, k/k x k/k et femelle k/k x mâle N/N. A éviter : mâle k/k x femelle N/N, sauf cas particulier.
N | k | |
k | N/k | k/k ! |
k | N/k | k/k ! |
N | k | |
N | N/N | N/k |
k | N/k | k/k ! |
Mariages autorisés : N/k x N/N, et le mariage idéal : N/N x N/N.
Il est évident que la circulation de l’information entre éleveurs de maus est primordiale, si l’on souhaite atteindre notre but c’est-à-dire que tous les maus reproducteurs soient N/N.
Dr Séverine MANUEL, vétérinaire
Glossaire :
Allèle : version d’un gène. Chaque gène est présent en 2 exemplaires chez un individu, il peut s’agir de 2 allèles différents.
Erythropoïèse : processus de formation des hématies (globules rouges).
Glycolyse anaérobie : utilisation du glucose en vue de produire de l’énergie, sans consommation d’oxygène.
Hémolyse : destruction des hématies.
Hétérozygote : se dit d’un individu possédant 2 allèles différents pour un gène donné.
Homozygote : se dit d’un individu possédant le même allèle en double exemplaire pour un gène donné.
Ictère : jaunisse, résultant d’une augmentation du taux de bilirubine dans le sang (la bilirubine est produite suite à la destruction des hématies).
Splénectomie : exérèse chirurgicale de la rate.
Splénomégalie : hypertrophie de la rate.
Bibliographie :
GRAHN et al. (2012). Erythrocyte Pyruvate Kinase Deficiency mutation
identified in multiple breeds of domestic cats. BMC Veterinary Research 2012 8: 207
Collectif (2009). Maladies héréditaires ou à prédisposition raciale chez le chat. Rueil-Malmaison, Les Editions du Point Vétérinaire, 355p.